Lupino dans Chronicart par Julien Bécourt

« Antichambre incontournable du jeune cinéma d’auteur, les Rencontres Européennes du Moyen-Métrage de Brive ont vu défiler un cheptel de jeunes cinéastes passés depuis au long (…) et tout le monde (spectateurs, critiques, producteurs) y accourt en quête d’une possible révélation. Reprise en main par Elsa Charbit, elles balayaient cette année, plus que jamais, toute hiérarchie de genre et traçaient une ligne médiane entre documentaire, fiction et expérimentation. (…)
Se coltiner la réalité la plus rude sans verser dans l’anthropologie condescendante ou le moralisme culpabilisateur, c’est peut-être l’une des tâches les plus ardues du documentaire. Lupino, de François Farellacci et Laura Lamanda, s’en acquitte avec une sensibilité hors-normes, quelque part entre Gummo et Les Ragazzi de Pasolini version 2015. Si son cousinage avec la fiction récente de Thierry Peretti (Les Apaches) saute aux yeux, c’est avant tout parce que leurs metteurs en scène respectifs savent de quoi ils parlent, ayant grandi l’un et l’autre sur cette “Île de beauté” à deux vitesses. Loin des paysages mirifiques, le film s’attache à la vie quotidienne d’une poignée de gamins désoeuvrés dans les HLM d’une banlieue de Bastia (Lupino, donc), zone périurbaine coincée entre la nationale et les collines. Un quotidien rythmé par la tchatche fleurie, les pétarades des quads, les parties de foot, les roulages de joints et les sonneries de téléphone portable. La mer, grande absente, se dessine au loin – on ne l’apercevra que l’espace d’un plan fugace qui ne fait que renforcer l’éloignement. La commisération aussi, est tenue à distance: on ne verra rien de l’entourage parental, juste quelques plans d’ensemble sur la cité, ses rues désertes et ses contrebas jonchés de détritus. Avec en trame de fond, le brasier païen des feux de la St Jean, dont les images évoquent autant des scènes de liesse populaire que les émeutes sur la place Maïdan. De ces portraits, chargés à bloc d’énergie et de vitalité, émane aussi une grande tendresse, seule à même d’estomper une violence prête à éclater ».

Dans Brive, un monde s’enflamme, par Julien Bécourt, publié dans Chronicart le 5 mai 2015

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